Le blog des équiciens

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Témoignages


Gagner sa vie?

Témoignage de Carole Gau, équicienne pour l'Association Selle & Ciel (www.selleciel.com)

 

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Tout juste certifiée équicienne, alors même que je fais découvrir l'équicie à mon entourage comme à mon département, une question revient au coeur de pratiquement chaque conversation échangée avec une personne à qui je présente mon métier : Mais est ce que tu gagnes ta vie avec la médiation équine, l'équicie ? En premier lieu mon teint devient légèrement pâle en me rappelant les factures liées à mes chevaux qui m'attendent sur un coin de mon bureau. Puis j'énonce que les débuts, comme dans toute entreprise ne sont pas forcément faciles mais que j'espère à long terme " vraiment gagner ma vie ". Puis cette phrase m'a interpellée, au fur et à mesure du temps elle a de moins en moins résonné pour moi. Mais qu'est ce que ça signifie, " gagner sa vie " ? Si on y réfléchit rapidement, ça ne vaut pas la peine de gagner sa vie… puisqu'on l'a déjà ! La vie elle est là, devant nous. Au sens large du terme, gagner sa vie serait subvenir à " ses besoins ".

 

Si on se réfère à la planète, nous sommes la seule espèce qui a besoin de payer pour avoir le droit d'habiter dans un lieu. Les animaux choisissent leur lieu d'habitat librement, les arbres poussent là où il y a de l'espace… Il y a plusieurs siècles, plus de la moitié de la population mondiale vivait sans argent, des fruits de leurs propres efforts comme la pêche, la chasse ou encore la production locale et le troc. Aujourd'hui, à l'heure où la mondialisation engendre toujours plus de production, de chiffres, de résultats, et crée des produits que " le monde " s'arrache, où est la place réelle de l'humain parmi ses besoins ? La société prône aux travers des différents médias un " bonheur matériel ", il suffirait d'acheter une grande maison pour y mettre tout un tas d'objets de fortune, avoir une belle et grande voiture, épargner chaque mois et rembourser les prêts de la grande maison et de la grande voiture et voilà : " vous gagnez votre vie ". Ce qui est oublié c'est que pour vivre on a surtout besoin physiologiquement d'air, d'eau et de nourriture…

 

La réflexion qui m'est venue est qu'aujourd'hui ma véritable peur n'est peut être pas de ne pas " gagner ma vie " mais plutôt d'avoir peur de " la perdre en voulant la gagner ". Et si au prix d'une sécurité matérielle je ne savais pas vivre pleinement ? En y réfléchissant, mon métier me donne l'opportunité de vivre chaque jour une richesse inébranlable : Je commence ma journée par aller dire bonjour à tous mes partenaires de travail, les chevaux. Certains sont encore endormis et m'offrent le cadeau de pouvoir m'assoir auprès d'eux. Tout en les nourrissant je veille à leur état de santé physique et moral. Je pars ensuite en promenade avec Praline alors même que la nature se réveille doucement, à pied ou à cheval. Mon corps a la chance d'être porté et de s'étirer sur son dos. En rentrant chaque cheval sort à son tour pour son entrainement journalier. Le calme et le silence auprès des chevaux ont grande valeur. L'après-midi les ateliers d'équicie séquencent la fin de journée, le temps s'arrête pour laisser place à la rencontre entre humains et chevaux. Tout cela est riche, d'émotions, d'échanges et de partages. Le soir je remercie chacun, d'avoir contribué à faire de cette journée, quelque peu banale en fait, une journée remplie d'instants qui n'ont pas de prix.

 

Alors finalement, " gagner sa vie " au sens de l'expression d'aujourd'hui, au delà du respect de nos besoins vitaux résiderait dans le fait de se donner les moyens d'être heureux, de privilégier et de considérer l'instant présent dont la vie nous fait cadeau, d'avoir confiance en ses aspirations et de vivre une vie plus libre.

 


25/02/2019


L'équicie pour aider les enfants à grandir : le point de vu des parents

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Témoignages proposés par deux mamans d’enfants accompagnés en équicie par Florence BOUYGUES, Equicienne à Equi’latéral Midi pyrénées

 

"Léo a commencé par une première séance de bilan avec Florence.

En 1h, elle a su cerner la façon d'être de Léo, ses besoins pour définir des objectifs et le mettre en confiance. J'étais bluffée par son analyse si fine. Elle a fait écho aux constats faits à la maison et à l'école.

Dès la fin de la première séance, Léo a demandé à revenir. Nous l'avons donc inscrit pour un trimestre d'équicie.

 

Le père de Léo et moi voyons des évolutions notoires.

Grâce au travail sur le lâcher prise, Léo est beaucoup plus calme. Il parle moins. Il se pose plus, même sans adultes à ses côtés.

Il semble plus léger, plus serein.

Il est aussi plus dans le moment présent. Il vit l'instant et tient une conversation en lien avec ce qui se passe.

Pour terminer, il commence à prendre conscience des autres et de leurs ressentis.

Son père et moi sommes ravis.

Nous allons donc continuer à l'inscrire pour lui permettre de continuer d'évoluer et aller vers un mieux être.

 

Merci à toute l'association, aux chevaux et à Florence pour tout."

 

Alice Astoul

 

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"Après quelques mois d'école mon petit lou de 5 ans se referme sur lui, commence à s'arracher les cheveux et met une grande distance envers les adultes. En effet mon fils comprend tout vite il est en avance par rapport aux autres élèves de la classe. Du coup il ne rentre pas dans le moule. Surplus de travail par rapport aux autres, avec la fatigue, il n’y arrive pas toujours. Cela le décourage beaucoup, il se trouve nul (mot qu'il emploie quand il parle de lui), alors qu'il fait plus que les autres. Il veut apprendre à lire, il est prêt. La réponse qu'il a à l'école : « C'est non ! C'est au CP que l'on apprend à lire. »


Voici ce qui c'est passé dans sa tête : "Je suis nul, je ne suis pas capable, les adultes mentent ils disent qu'à l'école on nous apprend à lire. Moi on ne veut pas que je lise. Je suis fatigué, je veux plus aller à l'école." Il se bloque et il refuse que je lui apprenne à lire. Beaucoup de dévalorisation, de perte de joie, de repli sur soi. Aller voir un ou une psychologue, vu sa relation à l'adulte (autre que papa maman papi mamie) n'est pas envisageable.

 

Une amie nous parle d'EQUI'LATERAL. Au fil des 12 séances notre loulou retrouve sa confiance, il s'adresse à nouveau à des adultes, il est à nouveau dans l'envie de faire sans se dévaloriser. Il trouve sa place en classe et avec ses pairs. La joie pétille à nouveau dans ses yeux. Il voit, il sent qu'il peut être et faire tout en étant un enfant.

 

Merci Florence et son équipe merci Coca et Doudou"

 

Edith

 

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28/10/2018


Rando équicie 2018

 

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Chaque année depuis 6 ans, Equit’Aide organise une « Rando Equicie » pendant les vacances d’été.

 

Cette Randonnée ouverte aux enfants, adolescents et adultes en situation de handicap accueille des personnes qui ont des capacités d’autonomie minimum et assez d’équilibre pour être à cheval en terrain varié.

 

Cette année, Théophile, Lenny, Charlie, Elise et Pauline sont partis pendant 4 jours de la ferme avec leurs chevaux pour se rendre à Soléole, un gîte tenu par Alban, autonome en énergie situé à Landremont, en plein milieu de la nature sur une petite colline boisée. Ils étaient accompagnés de Lise et Valérie, stagiaires équiciennes, et des équiciennes Julianne, Elodie, Astrid et Cécile.

 

Prendre soin des chevaux, leur apporter à boire, à manger, vivre tous ensemble dans le gîte, partager des temps de vie en dehors de chez eux, participer aux activités de la vie quotidienne, et partir en balade à cheval chaque jour…voici ce que nous leur proposons depuis quelques années. Nous avons recueilli leurs impressions, sensations, histoires chaque jour. Nous vous proposons leurs témoignages de ces quelques jours de randonnées.

 

Jour 1 :

Charlie :

« J’ai monté sur Querelle, ma préférée d’amour. Elle a mangé, on a marché, sur les cailloux et puis après je me suis reposé sur Querelle. J’aime pas les mouches. On a été au Soléole. C’est super ! »

 

Lenny :

« Aujourd’hui, on a marché dans l’herbe, moi et Tanaïs. On est venu à Soléole. On a passé par des routes, pour venir à Soléole. Quand on est arrivé sur place on a déséquipé le cheval, on a enlevé le tapis, la selle, la sangle, le side-pool. On leur a mis les licols pour les emmener au parc, et on les a mis dans le parc jusqu’à demain matin. Il faisait très chaud. C’était très bien ! »

 

Elise :

« Je fais la rando parce que c’est bien. On est dans la nature. On dort dans les gîtes. Je monte Krapi. Il aime faire la rando sauf qu’il mange de l’herbe tous les 5min ! Je suis bien avec mes amis »

 

Pauline :

« C’est la troisième fois que je fais la rando. J’ai changé de cheval, je m’occupe de Cayambe, la fille de Light. Elle est plus grande. Je fais la rando parce que j’adore les chevaux et que je suis avec mes amis ! »

 

Théophile :

« C’est la troisième fois que je viens ici. J’ai connu Charlie ici deux fois. J’ai plein de souvenirs ici. C’est mes potes. Oscar plie les jambes à cause des gros taons ! Il aime pas ça. C’est mon endroit préféré. Je m’amuse un peu ici. Je connais Alban. J’adore les mots casés »

 

Jour 2 :

Théophile :

« Génial, quand on était sur Oscar allongé à cause des branches. On ait un bon goûter. Archéologie aussi. Moi je suis fan de musique »

 

Charlie :

« C’était super, j’ai eu peur dans les branches, Lenny arrête pas de m’embêter. C’était super cool. Querelle avançait très vite »

 

Lenny :

« Mon frère m’embête à mort ! Sinon, c’était bien on a traversé des obstacles. On s’est pris des mini branchettes. Puis ensuite on a traversé des cailloux, on a fait des descentes et on a pique-niqué. C’était trop bien. »

 

Pauline :

« La journée était super : faire des câlins (au cheval) pour éviter les branches »

 

Elise :

« On a fait une balade, je suis montée sur Krapi. On a pique-niqué. J’ai le droit de dire qu’on a dû baisser la tête à cause des branches ? »

 

Jour 3 :

Théophile :

« On a fait une balade à Sainte Geneviève. J’ai trop chaud. On a vu une fontaine »

 

Charlie :

« C’était super. Tanaïs a galopé. J’étais sur Querelle. On a vu une bosse. On a pique-niqué».

 

Elise :

« J’étais sur Krapi. Il a mangé de l’herbe, il s’est fait disputer. On a pique-niqué. On est reparti dans le village. On a goûté devant les chevaux. »

 

Pauline et Lenny étant fatigués, ils ont passé la journée à Soléole :

 

Pauline :

« Je me suis reposée toute la journée »

 

Lenny :

« On a fait des jeux de cartes. J’étais fatigué pour faire la promenade. J’ai tenu compagnie à Pauline ».

 

En tant qu’accompagnatrices stagiaires équiciennes, cette expérience a été très riche en émotions, en partages et en vécus. Cette semaine nous a également permis d’enrichir notre engagement dans notre futur métier.

 

Partir en randonnée, que l’on soit en situation de handicap ou non est l’occasion de se découvrir : dépasser ses peurs, surpasser ses capacités, se découvrir de nouvelles compétences, rencontrer des gens différents de soi mais qui peuvent nous compléter…

 

C’est aussi l’occasion pour nous équiciennes ou éducatrices, de partager des moments de vie quotidienne qui vont nous apporter beaucoup dans la vision que nous avons du public que nous accompagnons chaque jours pour une heure ou deux… La vie est différente, elle se déroule au rythme des personnes et des chevaux, on revient au pas du cheval !

 


01/10/2018


Synthèse d'une année d'accompagnement en équicie

Témoignage issu de la synthèse réalisée avec l’usager à l’issue de son projet individualisé



Frédérique, 51 ans – usager du Centre Edison – projet d’Octobre 2016 à Octobre 2017 – 1 séance par semaine à Equit’aide – Lixière.

 

Le Lieu : « Ce que m’apporte ce lieu »

« Je me suis habitué au lieu ; c’est un lieu où je me sens en confiance, où je peux être moi, sans surveiller ses arrières.Quand tu es libéré de ça, tu n’as pas peur d’être maladroit, d’être jugé. C’est une question de confiance ».

« Ça vient aussi, surtout de l’encadrement, des intervenants. C’est un peu libérateur ».

« C’est un lieu où je me sens bien … être libre. Je n’ai pas besoin de me cacher, de minimiser les trucs, les sentiments, d’atténuer les émotions. D’être toujours obligé de jouer un rôle, de se cacher, de se sentir juger ».

 

Les chevaux : « Qu’avez-vous appris du cheval ? »

« Au départ, j’ai toujours vécu avec des animaux, au départ la présence d’une bête, d’un animal ça m’apaise, c’est un anti-stress. »

« Ce que ça m’a appris …. Par rapport à mes distances, mes placements dans l’espace, mon positionnement ça m’a aidé a plus facilement me repérer. Ça m’a aidé au niveau motricité, à travailler sur mes faiblesses, ma dyspraxie. Les exercices avec les repères au sol, pas forcément simples au début mon aidé pour ça.

 

Au niveau de la relation : Vis-à-vis de Light (jument) (Frédérique a rencontré plusieurs chevaux avant de poursuivre régulièrement les séances avec Light).

« Grâce au temps : je pense que j’aurais développé le même type de relation avec le cheval dont je me serais occupé. La gestuelle aurait peut-être été différente. Au départ, émotionnellement je ne suis pas plus attaché à elle, même si j’avais envie de continuer avec elle. Cela reste inter changeable (…) plus tu passes du temps, plus tu comprends ; au niveau affectif, je me protège, par peur de la déception mais c’est comme ça avec les humains »

« Ce n’est pas une charge affective très forte … un détachement … ou pas d’attachement ? Où j’évite ! » (rire)

« Je ne m’attend à rien de spécifique, je suis ouvert au changement, c’est ma matinée à moi. Je n’arrive pas avec quelque chose en tête de particulier, je saisis ce que l’on me propose. »

« Importance pour moi du temps, du temps d’adaptation, au lieu, aux gens, au mode de fonctionnement du lieu et des personnes ; les premières fois j’étais dans l’observation de l’humain (rire) » ; « j’ai arrêté d’observer quand je me suis senti à l’aise, sinon j’étais sur la défensive. Une fois en confiance c’est possible de choisir et d’avoir de l’intérêt pour des nouvelles expériences. Quand je me sens en confiance c’est plus simple après de dire ce que j’ai envie de faire, d’exprimer mes envies sans peur d’être jugé … je suis sur la voie (rire). »

« Les chevaux je connaissais au sens équitation classique, j’ai fait quelques cours. Mais ça n’a rien à voir avec ce que l’on a fait nous ! » 

« Light m’a appris qu’ils sont très attentifs à l’environnement, aux distances. Que quand ils veulent quelque chose ils savent se faire comprendre aussi. On peut leur faire faire plein de choses si l’on est délicat. On ne s'impose pas par la force, c’est plus subtil que ça ! Il n’y a pas de rapport de force. Ça fait partie de moi aussi, j’ai du mal à m’exprimer, à leur donner des « ordres ». Je ne suis pas fait pour ça »(…)  « Là avec Light je me suis imposé d’une autre façon : j’ai utilisé le gestuel, le toucher. Elle a appris à me connaître et moi aussi ». « J’ai appris l’importance du respect mutuel, l’importance d’être concentré, d’être avec le cheval. »

« Au début mon observation était globale, je me concentrais sur l’environnement, j’étais « partout » ! Petit à petit j’ai pu me concentrer sur le cheval, je me sentais en sécurité ».

« Avant ce qui m’aurait gêné ça aurait été le changement de personnes (les co-equiciennes : passage de Cécile à Julianne). Aujourd’hui ce n’est plus le cas, peut-être aussi parce que l’environnement et le cheval restent le même ».

« Je me sens en évolution car je suis dans un lieu où je me sens bien, en sécurité, où je ne me sens pas agresser. C’est vraiment le plus important par rapport au reste ! »

« Avec les animaux il n’y a pas d’ambiguïté, il n’y a pas de trucs faux, c’est ça il n’y a pas de fausseté, c’est plus simple, c’est plus dans le ressenti, sur soi-même ».

 

« Conclusion » :

« J’ai plus de confiance en moi et en mes capacités, j’arrive à bâtir quelque chose, quelque chose de concret = une relation. Ça donne plus ou moins de confiance (…) avec le temps, si on prend le temps, on peut bâtir quelque chose …. La prochaine étape ce sera avec les humains ! »(rire).

« C’est une bonne évolution pour moi, y compris dans mon quotidien. Il y a une amélioration dans mes rapports, ma relation avec les autres a évolué. J’ai plus de facilité à m’exprimer quand quelque chose me stress ou me fait chier ! Je suis nettement moins agressif dans mon approche. Pour régler mes problèmes je suis moins agressif aussi, je parle plus calmement ».

« Ce que je recherchais ?  Me sentir en sécurité, sans personne qui me juge négativement, qui me surveille de manière négative, d’être respecté dans ma manière de faire. Me retrouver face à moi-même, à mes angoisses ! Le cheval et l’activité … ça a été libérateur pour moi ! C’est mon refuge qui m’a permis de réfléchir à pas mal de choses. Il y a eu une cohérence de l’expérience avec mes attentes ».

« Ma crainte majeure c’étaient les intervenants et combien de temps j’allais mettre pour être en confiance, je me suis étonnée de la rapidité que ça a pris ! »

 

Poursuite ?

« J’aimerais essayer de me faire entendre sans contraintes, dans une plus grande liberté, trouver une espèce d’osmose…. Avoir le moins de contraintes extérieures possibles et travailler sur la relation pour m’aider dans mon évolution personnelle à être à l’écoute de moi et de l’autre ».

« Voilà c’est pas mal pour quelqu’un qui a du mal à s’exprimer ! » (Rire).

 

 


01/03/2018


Histoire d'une rencontre, sur le chemin de l'équicie

« Des étoiles dans les yeux »

 

C’est avec des étoiles dans les yeux

Que je quittais ces lieux

Parce qu’un rêve devenu réalité

M’a follement enchantée

Malheureusement pas éternel

Mais délicieusement réel

Il me laissera des doux souvenirs

Et l’envie de revenir

Comme par le passé

Quand je les ai rencontrés

Et qu’ils m’ont fait frémir

Et procurer tant de plaisir

C’est une émotion intense

Que je ressentais en leur présence

Qui s’est réveillée ces jours ci

Lorsque nous étions réunis

Pas avec le même caractère

Ni même, la même crinière

Mais une autre éducation.

Et pour moi, bien d’autres sensations.

Laissant libérer mon cœur

La joie et la bonne humeur

Pour vivre pleinement

Ces merveilleux moments

Et bien qu’éphémère

Cette aventure m’est salutaire

Et c’est avec des étoiles dans les yeux

Que j’en parlerai le mieux.

 

Véronique Dal Maso

Le 24 juillet 2010

 

 

 

Témoignage de Johanne Berigaud, psychologue clinicienne et équicienne

 

J’ai donc rencontré Véronique en 2005, elle avait été orientée par nos collègues du Centre de Post Cure pour poursuivre son accompagnement en ambulatoire. C’est le médecin du travail à l’époque qui lui avait donné un ultimatum et dans une injonction à se faire soigner alors même qu’elle ne se considérait pas comme malade ni dépendante à l’alcool. Elle avait le souvenir de quelque chose de violent et de brutal lors de cette confrontation obligée avec elle-même.

 

Nos premières rencontres ont été éprouvantes, pour l’une comme pour l’autre, éprouvantes car Véronique parlait très peu, ne trouvait pas les mots, n’avait jamais été ni écoutée, ni entendue, ni jamais considérée tout court …. Elle se sentait « bête », « idiote » (ce sont ses termes) et moi de mon côté je me sentais complétement démunie, encore empêtrée dans mes représentations modelées par l’Université et le discours « psy », « que la parole soigne », « qu’il faut rester neutre », « ne rien laisser transparaître de soi, de sa vie » etc…. bref, le mal-être de l’une faisait bien écho à celui de l’autre certainement à l’époque. Néanmoins nous nous « accrochions », elle venait, silencieuse et mal à l’aise et je l’accueillais, emplissant les séances et le silence par mes propres mots.

 

Et puis un jour, en Janvier 2006, un évènement anodin de prime abord a changé la donne. J’avais reçu à Noël un magnifique calendrier de Yann Arthus-Bertrand « Chevaux », que j’avais accroché dans mon bureau. L’une et l’autre nous nous sommes souvenues de ce moment, bien plus tard où son regard s’est posé sur cette première photo : des petits chevaux chiliens avec les cîmes de montagnes en arrière-plan et cette petite phrase, ou plutôt cette question timide, gênée mais pleine d’attente : « vous aimez les chevaux aussi ? » …. Cette « petite phrase » qui allait enfin nous permettre de nous rencontrer nous l’avons gardée précieusement et en avons bien ri des années plus tard.

 

Les chevaux furent donc notre trait d’union, notre espace commun. Véronique se transformait quand elle parlait des chevaux, son regard s’illuminait, son corps se redressait et s’ouvrait, je crois que j’ai vu ses premiers sourires à l’évocation de ses rencontres avec le cheval « Vent d’Ouest » lors de son séjour de 3 mois en post cure. Elle me posait des questions sur ma propre expérience et mes ressentis avec les chevaux et j’ai laissé alors toutes mes « sacro-saintes » théories au placard et me suis lancée avec elle vers ce que je pressentais déjà en terme d’accompagnement.

 

Petit à petit nous nous sommes donc apprivoisées, la parole n’était pas toujours aisée mais Véronique fine et intelligente me confia également qu’elle écrivait des poèmes ; pendant plus d’une année elle me ramenait donc son carnet de poésies, en choisissant un ou me le faisant choisir, nous les lisions et échangions au travers ses écrits sur son vécu, ses souffrances et ses espoirs … sur nous.

 

Les chevaux étaient toujours présents et nous attendions avec impatience de découvrir la photo du mois suivant qui suscitait toujours beaucoup de commentaires.

 

C’est en écoutant et en entendant parler Véronique des chevaux et en lisant ses poèmes sur eux que j’ai sans aucun doute puisé l’énergie pour construire ce projet d’accompagnement avec les chevaux dans la structure dans laquelle je travaillais. Comme si nos échanges et avec eux, ceux d’autres patients ayant également bénéficié de cette rencontre pendant le temps de leur postcure avait fait germer ce que je pressentais déjà, ce qui était déjà là en moi, latent n’attendant que ces rencontres pour prendre forme et se concrétiser.

 

J’entrais donc en formation en 2010 à Equit’aide et dans le même élan et mouvement me lançais avec un premier groupe de 4 patients, dont bien entendu Véronique dans l’aventure !

 

Le temps a passé, Véronique allait mieux, beaucoup mieux. Nous avons fait une longue pause de 9 mois pendant mon congé maternité en 2009. A mon retour Véronique m’apprenait qu’elle avait un cancer. Après plusieurs mois de traitement son état de santé s’était amélioré et nous avons donc décidé qu’elle participerait à nouveau à un groupe d’équicie, nous allions maintenant à Equit’aide. Après 2 ans de répit, le cancer a pris le dessus, Véronique était à nouveau en traitement mais le pronostic était sans appel et le temps se comptait en mois ; ne pouvant plus intégrer le groupe d’équicie au centre pour des raisons organisationnelles nous avons décidé, comme une évidence qu’elle irait à Equit’aide en démarche personnelle et que dans le cadre de ma fonction d’équicienne je l’accompagnerais en séance individuelle. Véronique retrouva Cocaïne une dernière fois, ces matinées comme un temps suspendu, au pas et rythme de Véronique et de sa compagne équidé, attentives l’une à l’autre, fatiguées et malades l’une et l’autre mais vivantes, présentes l’une avec l’autre.

 

Véronique est venue le plus souvent qu’elle a pu, jusqu’à ce que son corps ne puisse plus ; les derniers jours nous nous remémorions notre rencontre, notre histoire, nos débuts maladroits qui nous faisaient bien rire maintenant et tous ces moments avec les chevaux qui avaient été pour elle source de joie, d’apaisement, « un des plus beau cadeaux de la vie » qu’elle pensait avant sa venue dans notre Centre inaccessible.. Véronique est décédée en 2014 mais ses nombreux poèmes demeurent et beaucoup plus aussi puisqu’elle a été la personne à l’origine de ce projet, qu’elle y a donné du sens, qu’elle y a cru finalement pour elle et pour les autres patients ; Véronique est une des personnes qui m’a fait le plus grandir humainement et professionnellement.

 

Jeudi 11 janvier 2018.

 


13/01/2018