Le blog des équiciens

Le blog des équiciens

Histoire d'une rencontre, sur le chemin de l'équicie

« Des étoiles dans les yeux »

 

C’est avec des étoiles dans les yeux

Que je quittais ces lieux

Parce qu’un rêve devenu réalité

M’a follement enchantée

Malheureusement pas éternel

Mais délicieusement réel

Il me laissera des doux souvenirs

Et l’envie de revenir

Comme par le passé

Quand je les ai rencontrés

Et qu’ils m’ont fait frémir

Et procurer tant de plaisir

C’est une émotion intense

Que je ressentais en leur présence

Qui s’est réveillée ces jours ci

Lorsque nous étions réunis

Pas avec le même caractère

Ni même, la même crinière

Mais une autre éducation.

Et pour moi, bien d’autres sensations.

Laissant libérer mon cœur

La joie et la bonne humeur

Pour vivre pleinement

Ces merveilleux moments

Et bien qu’éphémère

Cette aventure m’est salutaire

Et c’est avec des étoiles dans les yeux

Que j’en parlerai le mieux.

 

Véronique Dal Maso

Le 24 juillet 2010

 

 

 

Témoignage de Johanne Berigaud, psychologue clinicienne et équicienne

 

J’ai donc rencontré Véronique en 2005, elle avait été orientée par nos collègues du Centre de Post Cure pour poursuivre son accompagnement en ambulatoire. C’est le médecin du travail à l’époque qui lui avait donné un ultimatum et dans une injonction à se faire soigner alors même qu’elle ne se considérait pas comme malade ni dépendante à l’alcool. Elle avait le souvenir de quelque chose de violent et de brutal lors de cette confrontation obligée avec elle-même.

 

Nos premières rencontres ont été éprouvantes, pour l’une comme pour l’autre, éprouvantes car Véronique parlait très peu, ne trouvait pas les mots, n’avait jamais été ni écoutée, ni entendue, ni jamais considérée tout court …. Elle se sentait « bête », « idiote » (ce sont ses termes) et moi de mon côté je me sentais complétement démunie, encore empêtrée dans mes représentations modelées par l’Université et le discours « psy », « que la parole soigne », « qu’il faut rester neutre », « ne rien laisser transparaître de soi, de sa vie » etc…. bref, le mal-être de l’une faisait bien écho à celui de l’autre certainement à l’époque. Néanmoins nous nous « accrochions », elle venait, silencieuse et mal à l’aise et je l’accueillais, emplissant les séances et le silence par mes propres mots.

 

Et puis un jour, en Janvier 2006, un évènement anodin de prime abord a changé la donne. J’avais reçu à Noël un magnifique calendrier de Yann Arthus-Bertrand « Chevaux », que j’avais accroché dans mon bureau. L’une et l’autre nous nous sommes souvenues de ce moment, bien plus tard où son regard s’est posé sur cette première photo : des petits chevaux chiliens avec les cîmes de montagnes en arrière-plan et cette petite phrase, ou plutôt cette question timide, gênée mais pleine d’attente : « vous aimez les chevaux aussi ? » …. Cette « petite phrase » qui allait enfin nous permettre de nous rencontrer nous l’avons gardée précieusement et en avons bien ri des années plus tard.

 

Les chevaux furent donc notre trait d’union, notre espace commun. Véronique se transformait quand elle parlait des chevaux, son regard s’illuminait, son corps se redressait et s’ouvrait, je crois que j’ai vu ses premiers sourires à l’évocation de ses rencontres avec le cheval « Vent d’Ouest » lors de son séjour de 3 mois en post cure. Elle me posait des questions sur ma propre expérience et mes ressentis avec les chevaux et j’ai laissé alors toutes mes « sacro-saintes » théories au placard et me suis lancée avec elle vers ce que je pressentais déjà en terme d’accompagnement.

 

Petit à petit nous nous sommes donc apprivoisées, la parole n’était pas toujours aisée mais Véronique fine et intelligente me confia également qu’elle écrivait des poèmes ; pendant plus d’une année elle me ramenait donc son carnet de poésies, en choisissant un ou me le faisant choisir, nous les lisions et échangions au travers ses écrits sur son vécu, ses souffrances et ses espoirs … sur nous.

 

Les chevaux étaient toujours présents et nous attendions avec impatience de découvrir la photo du mois suivant qui suscitait toujours beaucoup de commentaires.

 

C’est en écoutant et en entendant parler Véronique des chevaux et en lisant ses poèmes sur eux que j’ai sans aucun doute puisé l’énergie pour construire ce projet d’accompagnement avec les chevaux dans la structure dans laquelle je travaillais. Comme si nos échanges et avec eux, ceux d’autres patients ayant également bénéficié de cette rencontre pendant le temps de leur postcure avait fait germer ce que je pressentais déjà, ce qui était déjà là en moi, latent n’attendant que ces rencontres pour prendre forme et se concrétiser.

 

J’entrais donc en formation en 2010 à Equit’aide et dans le même élan et mouvement me lançais avec un premier groupe de 4 patients, dont bien entendu Véronique dans l’aventure !

 

Le temps a passé, Véronique allait mieux, beaucoup mieux. Nous avons fait une longue pause de 9 mois pendant mon congé maternité en 2009. A mon retour Véronique m’apprenait qu’elle avait un cancer. Après plusieurs mois de traitement son état de santé s’était amélioré et nous avons donc décidé qu’elle participerait à nouveau à un groupe d’équicie, nous allions maintenant à Equit’aide. Après 2 ans de répit, le cancer a pris le dessus, Véronique était à nouveau en traitement mais le pronostic était sans appel et le temps se comptait en mois ; ne pouvant plus intégrer le groupe d’équicie au centre pour des raisons organisationnelles nous avons décidé, comme une évidence qu’elle irait à Equit’aide en démarche personnelle et que dans le cadre de ma fonction d’équicienne je l’accompagnerais en séance individuelle. Véronique retrouva Cocaïne une dernière fois, ces matinées comme un temps suspendu, au pas et rythme de Véronique et de sa compagne équidé, attentives l’une à l’autre, fatiguées et malades l’une et l’autre mais vivantes, présentes l’une avec l’autre.

 

Véronique est venue le plus souvent qu’elle a pu, jusqu’à ce que son corps ne puisse plus ; les derniers jours nous nous remémorions notre rencontre, notre histoire, nos débuts maladroits qui nous faisaient bien rire maintenant et tous ces moments avec les chevaux qui avaient été pour elle source de joie, d’apaisement, « un des plus beau cadeaux de la vie » qu’elle pensait avant sa venue dans notre Centre inaccessible.. Véronique est décédée en 2014 mais ses nombreux poèmes demeurent et beaucoup plus aussi puisqu’elle a été la personne à l’origine de ce projet, qu’elle y a donné du sens, qu’elle y a cru finalement pour elle et pour les autres patients ; Véronique est une des personnes qui m’a fait le plus grandir humainement et professionnellement.

 

Jeudi 11 janvier 2018.

 



13/01/2018

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