La viabilité économique de l'équicie
Article issu de la Revue de la Médiation Equine N°6 - 2014
Par Sabine Chapuis, équicienne et éducatrice spécialisée, fondatrice de l’association Equisens, Handi-Cheval Bourgogne
La revue de la Médiation Equine : d’après votre expérience, la pratique de l’équicie peut-elle dégager suffisamment de recettes pour payer un salaire à temps plein ?
Sabine Chapuis : Nous avons même trois salaires mensuels sur la structure associative d'Equi-sens -un à mi-temps, l’autre à plein temps pour les séances d'équicie et un quart temps pour les soins aux chevaux-, auxquels s’ajoutent les coût d’entretien de notre propre cavalerie, soit 6 équidés au total dont 3 chevaux, 1 double poney et 2 shetlands. Nous avons un manège rond, quelques box, un chalet d’accueil, sur un emplacement que nous louons. Bien sûr, notre budget est serré, mais nous parvenons à couvrir toutes ces dépenses.
R.M.E. : Comment avez vous démarré avant de passer à ce stade de fonctionnement ?
S.C.: Au début j'ai conservé mon emploi d'éducatrice spécialisée, à mi-temps, pendant que je commençais à me constituer une clientèle. Au bout d’un an, j’ai lâché mon travail, mais cela a été très très dur pendant trois à quatre ans. J’ai commencé à pratiquer l’équicie dans une écurie privée qui accueillait des chevaux de propriétaires. Au début, j’avais trois ou quatre accompagnements par semaine mais après deux à trois ans, j’en avais trente-cinq. Mon activité d’équicie occupait trop souvent le manège et il a fallu trouver une autre solution. J’ai alors monté un dossier et fait des démarches auprès du Conseil Général, du Conseil Régional, de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, de la ville de Dijon. J’ai aussi répondu à des appels à projets, lancés par la Caisse d’Epargne, le Crédit Mutuel, etc. J’ai ainsi pu monter un manège, le chalet d’accueil, sur un terrain, avec des box, que je loue à un particulier. Cette situation n’est pas idéale car l’on redoute toujours d’être congédié. J’ai donc rencontré une personne du Cercle Equestre Dijonnais qui m’a demandé si l’on souhaitait se joindre à eux pour mutualiser nos compétences. J’ai bien sûr dit oui et nous avons travaillé avec le maire de la ville de Chenôve pour que l’on nous alloue un terrain, à côté du cercle hippique. Notre structure sera totalement indépendante du centre équestre mais on va mutualiser des équipements avec eux tels que les toilettes, les parkings, les douches, les cuisines, le club house, etc. Cela représente d’énormes économies comparé à un coût d’installation normal.
R.M.E. : Qu’est ce qui fait vivre l’association ? Les subventions, l’activité, les deux ?
S.C. : C'est largement l'activité, même si nous avons effectivement 3000 euros par an du Conseil Général, en subvention de fonctionnement. Le reste du budget est alimenté par
nos prestations auprès de structures, de parents, de particuliers qui choisissent notre lieu. Equis-Sens étant considéré comme lieu de soin, les institutionnels peuvent prélever le montant des séances d’équicie sur leur budget thérapeutique, qui n’a rien à voir avec leur budget loisir, plus restreint. Les personnes viennent donc en séance d’équicie comme elles iraient chez le psychologue ou le kinésithérapeute. Cette reconnaissance comme lieu de soin, nous permet d’accueillir aussi des enfants de l’aide sociale à l’enfance avec un financement M.D.P.H.. Cette même M.D.P.H. prend à sa charge le surcoût lié au handicap pour les parents amenant leurs enfants ou pour les particuliers, soit environ 40% du coût de la séance. Douze ans après nos débuts, grâce à ce réseau et ces financements, nous pouvons effectuer une moyenne de 2000 accompagnements par an.
R.M.E. : quels conseils donneriez vous à de futurs équiciens indépendants ?
S.C. :Tout d'abord, ne pas quitter son emploi pour pratiques l'équicie du jour au lendemain ! Maintenir un temps partiel, pendant que l’on prend ses marques, que l’on démarche les politiques, les partenaires, les associations de parents. C’est long, il faut y croire et ne pas compter ses heures. Il faut aussi se former pour accueillir des publics très variés, par exemple en apprenant le langage des signes afin d’accompagner des enfants sourds. Ensuite, lorsque cela décolle un peu, il faut équilibrer son activité sur toute l’année, en particulier en évitant le creux de l’été. Ainsi, les enfants dont nous nous occupons ne peuvent pas être inscrits dans un centre aéré classique, ne disposant que de deux accompagnants pour vingt enfants. Nous avons donc proposé des accueils de jour d’été, pour mineurs handicapés, agréés par Jeunesse et Sport. Nous y assurons un accompagnement de un pour un, grâce à l’embauche de six personnes pendant le mois de juillet. Les parents amènent leurs enfants à 9h00 le matin, avec un pique-nique pour midi et ils viennent les chercher à 17h30. Les enfants vivent vraiment avec les chevaux toute la journée. La M.D.P.H. prend en charge le surcoût du handicap, en particulier celui de l’accompagnement personnalisé, aussi pour ces séjours d’été.
Autre conseil : ne pas oublier que l’emplacement de l’activité est important. Equisens se situe à 10 mn du centre de Dijon tout en étant en pleine campagne. La mutualisation est aussi capitale. Aujourd’hui, c’est par cet accord avec le cercle hippique dijonnais que nous aussi capitale. Aujourd’hui, c’est par cet accord avec le cercle hippique dijonnais que nous pourrons atteindre une réelle autonomie de fonctionnement. Cette mutualisation peut se réaliser grâce aux nombreux échanges que nous avons déjà entrepris, en particulier au travers de formations croisées. Le centre équestre a ainsi bien compris que notre activité n’allait pas leur enlever de clients et que l’on pourrait au contraire leur apporter une précieuse complémentarité. En revanche, je pense que l’on ne peut pas pratiquer sereinement notre activité d’équicie au sein d’un centre équestre. Il faut idéalement un lieu d’intimité, bien adapté, où l’on peut prendre notre temps, sans déranger personne. Nos jeunes sont parfois turbulents et cela peut être délicat de les mélanger totalement à l’activité d’un centre équestre ou d’une écurie de propriétaires. Les mutualisations doivent donc être bien pensées pour se compléter sans se déranger.
Si vous souhaitez poser des questions ou demander conseil à Sabine, vous pouvez la contacter à l’adresse mail : equisens@aol.com
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